LA LUTTE DES CLASSES

 

Sondage Sofres l'Expansion : pourquoi les salariés français craquent

"Ce sondage a des allures de SOS. Les salariés français n'en peuvent plus. Ce sont eux qui envoient le message le plus clair et le plus dramatique à leurs dirigeants, saisissant l'occasion d'une enquête internationale conduite par la Sofres, en association avec L'Expansion et Liaisons sociales, simultanément en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne et aux Etats-Unis. Un beau panel représentatif de ce que le monde capitaliste offre de mieux en matière de ressources humaines. Il est à la mode de dire, en France comme dans ces autres pays, que l'utilisation du « capital humain » constitue l'arme stratégique de nos économies du savoir. Si les résultats du sondage expriment bien l'état d'esprit actuel du salariat français, il faudra bientôt coller l'étiquette « hors service » sur cette arme-là.
Quelques chiffres suffiront à montrer combien le fossé s'est à nouveau creusé, chez nous, entre le monde du travail et celui de l'entreprise. C'est en France que le plus grand nombre de salariés estiment leur situation professionnelle en voie de dégradation : 39 %, contre seulement 26 % aux Etats-Unis et 24 % en Grande-Bretagne, terres de l'« ultralibéralisme sauvage ». Depuis 1990, pas une seule fois le pourcentage de ceux qui se plaçaient parmi les gagnants ne l'a emporté sur celui des perdants. Autre verdict implacable : 66 % des Français, record mondial, estiment que leur entreprise n'attache aucune importance à leur devenir. En Allemagne et aux Etats-Unis, ils sont 53 % à penser au contraire qu'elle cherche à favoriser leur épanouissement professionnel et personnel.

Le socialisme jospinien évolue sur un terrain favorable, tandis que les patrons auront fort à faire pour entretenir la flamme productiviste contre les trente-cinq heures. En effet, une majorité écrasante de leurs salariés (61 %) se refusent à consentir tout nouveau sacrifice sur leur vie privée au profit de la vie professionnelle.
Là encore, cette singularité française n'existait pas à la fin des années 80, courte période où la France s'est mise à aimer ses entreprises, au point que l'arbitrage inverse - en faveur du travail - recueillait 63 % des suffrages parmi les salariés du secteur privé en 1989.
Evidemment, il ne s'agit que d'un sondage. Mais L'Expansion l'a soumis à une dizaine de sociologues du travail ou des organisations, choisis parce qu'ils étaient aussi des hommes de terrain. Tous ont trouvé dans ces chiffres les symptômes inquiétants d'une panne de management typiquement française. Avec la masse de données fournies par cette enquête unique en son genre et les analyses de ces docteurs du travail, tentons maintenant de comprendre la nature du mal. Il est urgent de le soigner.
"
© Groupe Expansion 1996

Les résultats complets

Voilà pour le cadre général. Maintenant quelques constatations vécues. Mon métier de consultant dans l'industrie me donne l'occasion de fréquenter pas mal de "représentants du personnel", syndicalistes en particulier. Et à force, je commence à avoir une petite idée de leur discours et surtout de leur mode de pensée que nous allons illustrer ci-dessous par quelques exemples.

Une des arguments préférés de la CGT est le suivant :
"Il y a de la richesse en France, le problème c'est qu'elle n'est pas bien répartie".
Avec mon costume et ma cravate, je lis bien souvent dans les yeux de mes interlocuteurs qu'il se pourrait que je fasse parti de ces riches si égoïstes et haïs.
La réponse est hélas pourtant assez simple.

1) Ce gens qui veulent prendre leur argent aux riches sont en général plus riches que les riches.

Savez vous combien gagne un agent EDF d'astreinte en production, un conducteur de train ou un magasinier d'Air France ?
Et bien ils gagnent plus que moi !
Les salaires nets de ces personnes sont bien souvent compris entre 12 000 et 18 000 F nets par mois, voire plus.
Et pour gagner tout cela, il leur suffit de faire 35 heures de présence par semaine, voire moins. Et je préfère ne pas estimer avec trop de précision le nombre d'heures travaillées réellement. Bien souvent moins de 20, le reste du temps étant passé à regarder la télévision, à jouer aux cartes dans les "salles de repli" ou à se faire la tambouille dans des cuisines aménagées sur les lieux de travail. Sans parler de ceux qui s'en vont systématiquement 3 heures avant la fin de leur vacation, et que l'on surprend parfois lorsqu'ils sont victimes, en rentrant chez eux, d'un accident de la route en état d'ébriété avancée pendant les horaires de travail. Mais rassurez vous, les syndicats sont là qui veillent, et aucune sanction n'est jamais prise...

20 heures par semaine donc, soit un peu plus de 80 h par mois pour un salaire de 15 000 F, cela fait environ 180 F nets par heure travaillée, ou 93 F par heure de présence. Ce montant constitue un strict minimum qui n'intègre pas toutes les primes et surtout le deuxième salaire. Car touts ces gens, qui ne sont pas plus paresseux que vous et moi, disposent de tellement de temps libre (ils ont pu, grâce au syndicat s'aménager des horaires très pratiques pour eux, et en général pas du tout pour la société), qu'il ont très souvent un deuxième travail au noir. Maçon, peintre, garagiste, etc. Les estimations officielles faites par la direction des ressources humaines d'une grande société nationale estiment à au moins 40% le nombre de salariés ayant une deuxième activité. Il suffit de regarder les voitures sur les parkings pour se dire que cela ne doit pas être faux.

Un horrible capitaliste comme moi gagne (cf. étude de cas) 14 000 F nets pour au moins 50 heures travaillées par semaine. Soit environ 67 F nets de l'heure.

67 F / heure pour moi le capitaliste, 180 F / heure pour eux les "prolétaires". Parfois je me demande si le discours de la CGT ne serait pas de la grossière propagande idéologique dénuée de tout fondement réel. Et vous, qu'en pensez vous ?

Non contents de s'en prendre à des salariés de mon espèce classés comme riches par Jospin (si ma femme gagne autant que moi nous sommes au delà du seuil fatidique des 25 000 F nets par mois qui nous classe irémédiablement parmi les Koulaks modernes), le CGTistes vont surtout faire appel au fantasme préféré des français, les grosses fortunes.

Hélas (ou tant mieux ?) cette idée non plus ne résiste pas très longtemps à une petite analyse quantifiée.

La valeur totale des 700 plus grosses fortunes françaises est de 576 milliards de Francs (estimation Capital N°69 de juin 97).
Cette estimation inclut les patrimoines professionnels (Liliane Bettancourt - L'Oréal, 44 MdsF; Dassault, 25 MdsF, etc.).
Selon la loi des 80-20, on peut estimer que ces 700 plus grosses fortunes représentent 80% du total de la fortune des Français dont la valeur totale peut donc être estimée à 720 milliards de Francs.

Si donc nous acceptons de suivre les conseils de solidarité et de générosité de nos amis CGTistes (entre autre) et que nous exproprions l'ensemble des Français de tous leurs biens, c'est à dire si plus personne dans ce pays ne possède une maison, une action ni même un compte d'épargne, alors nous obtenons en divisant 720 milliards de Francs par 58 millions de français la somme colossale de 12 414 F par Français !

On peut comparer ces 12 414 F aux 70 000 F de dette de l'Etat par habitant, ou aux 30 000 F que coûtent les salaires des fonctionnaires chaque année à chaque Français.

Désolé donc, Kamarads de la CGT, mais même en supprimant la propriété privée en France, nous serons bien loin d'avoir résolu tous nos problèmes. Et les riches sont sûrement plus utiles à la France en créant des entreprises, des emplois et de la richesse qu'en léguant au parti des travailleurs leurs fortunes pour qu'elles soient dilapidées en quelques mois.
Liliane Bettancourt, première fortune de France, doit sa richesse avant tout à sons travail. Elle a créé une société, L'Oréal, qui n'existait pas il y a 20 ans, et qui emploi aujourd'hui 43 000 salariés, génère un chiffre d'affaires de 60 milliards de Francs dont 46 à l'export.Elle contribue ainsi autrement plus efficacement à la création de richesse que les fumistes de la CGT dont la principale contribution à la vie économique du pays est le sabotage au travers de grèves pré-historiques tant dans leur forme que dans leurs revendications.

Un autre argument poignant de la CGT et autres organisations de ce type est quelque chose du genre "Je me bats pour les emplois de mes enfants".

1 - C'est ce qu'ils disent, mais ce n'est pas ce qu'ils font.

Pour eux défendre les emplois de leurs enfants se traduit par :
- être mieux payés,
- travailler moins,
- prendre leur retraite le plus vite possible,
- refuser de changer la nature de leur travail.

Résultat, leurs emplois ne sont plus viables. Ils coûtent plus qu'ils ne rapportent et ne correspondent plus au besoin des entreprises faute d'accepter de les voir évoluer.
Ils tuent eux même leurs emplois par intérèt personnel à court terme.
Leurs enfants pourront aller voir ailleurs à cause d'eux.

2 - Les emplois de leurs enfants ne seront pas les leurs

Quand on relève les compteurs à EDF, que l'on trie le courrier à la Poste ou que l'on délivre des billets derrière un comptoir à la SNCF, il n'est pas besoin de s'appeler Nostradamus pour envisager que dans 30 ans ces emplois auront été remplacés par des machines. Et cela tout le monde le sait, mais tous ne l'admettent pas.

Car les emplois de demain ne seront pas les emplois d'aujourd'hui.
Imaginez vous en France en1900 à une époque où les paysans représentent encore plus de 75% de la population. Et dites au premier paysan qui passe que dans moins d'un siècle il n'y aura plus en France que 5% de paysans. S'il est doué du bon sens paysan qu'on lui prète, il va s'exclamer "Mais bou diou, qu'est-ce qu'ils vont devenir tous ces gars ?", car il sera incapable de l'imaginer, comme tous ses comtoporains.
Et imaginez vous maintenant en 1950, époque où la France comptait plus de 50% de la population travaillant dans l'industrie. Et dites au premier ouvrier qui passe que dans un quart de siècle l'industrie ne représentera plus en France que moins de 25% des emplois. Il va s'horrifier "Ben merde, et ils vont devenir quoi les copains ?".

Même si nous ne savons pas décrire avec précision les emplois de demain, nous pouvons être sûrs que ce ne seront pas les mêmes qu'aujourd'hui. Alors plutôt que de nous battre en regardant le passé nous ferions mieux de regarder devant et de former nos enfants pour qu'ils soient capables de créer les métiers qu'ils exerceront.

Pour plus de détails sur ce sujet, voir le chapitre "emploi".

 

Si la fonction publique ou les entreprises nationales sont souvent prises en exemple, c'est qu'elles constituent le bastion du syndicalisme à la française. Les quelques chiffres (encore des chiffres !) qui suivent le prouve :
- taux de syndicalisation des salariés fançais : 8%
- taux de syndicalisation dans le secteur public : 25%
- taux de syndicalisation dans le secteur privé : 2%

Non seulement les syndicats ne sont pas représentatifs de l'ensemble des salariés, mais le peu qu'ils représentent sont quasiment tous dans le secteur public.

Les syndicats sont donc les portes paroles des salariés :
- les mieux protégés de France,
puisqu'ils bénéficient de la garantie de l'emploi,
- les mieux payés,
la France est le seul pays au monde où les fonctionnaires sont mieux payés que les gens du privé,
- qui travaillent le moins,
mon expérience de consultant me permet d'affirmer que la productivité dans le secteur public est inférieure d'au moins 30% à ce qu'elle est dans le privé.

Ce sont pourtant eux qui sont considérés par le système en place comme les représentants légitimes des salariés, alors que leurs seuls objectifs sont de donner toujours plus aux riches parasites et de prendre toujours plus aux vrais "prolétaires du privé".
Ce sont eux qui signent des accords (comme les 35 heures) engageant l'ensemble des salariés, dont ceux du privé, alors qu'ils représentent moins de 2% de cette population.
Ce sont eux qui bénéficient du droit de paralyser l'économie en dépit des lois élémentaires concernant les limites du droit de grève et le droit de circulation.
Ce sont eux qui exercent un chantage permanent sur le pouvoir avec qui il s'entendent d'autant mieux qu'ils sont tous issus du même moule idéologique.
Ce sont eux qui préfèrent des intérêts égoïstes à court terme à l'intérêt du pays à long terme : Après nous le déluge, telle est leur devise.
Ce sont eux qui sont en grande partie responsables de la situation déplorable dans laquelle se trouve la France aujourd'hui.

Les syndicats, bien que ne représentant qu'une petite minorité des salariés, disposent d'un monopole du pouvoir d'information et sont tenus par les médias comme les seuls représentants légitimes du progrès et de la vérité.

Ils exercent ce monopole tant dans les médias - écoutez donc qui commente une grève à la télévision ou à la radio : les syndicats seuls dans 90% des cas - ou qui informent les salariés des projets en entreprises.
Il est devenu quasiment impossible à un cadre du secteur public d'envisager de conduire un quelconque projet :
- S'il s'agit de contruire un nouveau site, c'est uniquement pour "imposer encore plus de productivité".
- S'il s'agit de changer d'outils informatiques, c'est pour mieux fliquer les gens,
- S'il s'agit de faire travailler des sous-traitants, c'est pour faire faire par des personnes non qualifiées (forcément elles sont payées en général deux fois moins cher) un travail que seuls les Kamarads syndiqués sont capables de réaliser (deux fois moins vite).
- etc.

L'encadrement et la direction de certaines entreprises essaient bien de contre-informer.
Les résultats sont en général mauvais, les patrons ayant à priori tort. Et il faut bien admettre qu'ils s'y prennent bien souvent de façons aussi caricaturale que leurs adversaires syndicalistes.

Le "salarié moyen", non syndiqué, qui assiste depuis son poste de travail ou devant son poste de télévision à cette guerre inégale de l'information qui aboutit quasi systématiquement à la victoire de la désinformation, est en général passif, et bien trop souvent suiveur de ceux dont il estime à tort qu'ils représentent le mieux ses intérêts.

Nous devons mener la guerre de l'information en employant si besoin les mêmes méthodes que nos adversaires. Si nous continuons à abandonner aux représentants d'intérêts égoïstes le monopole de l'information et de la vérité, jamais il ne sera possible de rétablir un dialogue sain dans les entreprises et les administrations françaises.

 

Heureusement les "syndicalistes" caricaturaux ne représentent qu'une petite minorité, bien plus petite que ce que peut laisser croire leur pouvoir de nuisance.
Les Français qui travaillent sont à priori, dans leur immense majorité (syndicalistes compris) des gens de bonne volonté, qui ont simplement peur de l'avenir et qui, de même que les militaires en 1940 pensaient gagner la guerre contre les nazis en s'abritant derrière la ligne Maginot, imaginent qu'un combat défensif, statique et surtout sans grand risque permettra de gagner la bataille de l'emploi. Nous savons quelle terrible leçon l'histoire nous a donnée.
Il nous suffirait pourtant de sortir de notre carapace, de prendre conscience de notre force, d'arrêter de râler et de nous mettre au travail pour redresser la situation et mener avec succès et en rase campagne la bataille que nous sommes condamnés à perdre si nous restons derrière nos fortifications.

 

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Révision : 23-12-1997.