SORTONS DE NOTRE LIGNE MAGINOT

 Dans les années 30 la France s’offrit à grands frais la ligne Maginot, censée la protéger d’une invasion. Malgré la mise en garde d’un obscur colonel qui prônait une stratégie fondée sur le mouvement, un certain Charles de Gaulle.
On sait à qui l’histoire a donné raison.

En 1997, l’angoisse que provoque la montée du chômage a remplacé la crainte d’Hitler. Créer des emplois, notamment pour les centaines de milliers de jeunes qui n’en ont pas, peut à juste titre être érigé en devoir.

Pour y parvenir, on a, tout comme il y a soixante ans, le choix entre deux attitudes :

Malheureusement, les recettes qui font le plus de bruit aujourd’hui relèvent de la première voie.

Elles ne " créent " pas d’emplois.

Nous savons que ce chemin est une impasse financière. Car loin d’être un choix assumé par ses bénéficiaires, il relève de plus en plus d’un cocktail euphorisant servi par les médias dont les ingrédients sont les suivants : une petite contribution de l’entreprise, un petit effort par les salariés pour obtenir une grosse charge pour la collectivité.

La loi Robien en est le plus bel exemple. Combien de patrons critiquent aujourd’hui cette loi, mais y ont ponctuellement recours tant ses avantages financiers sont alléchants.

Il y a plus grave. Ce cocktail peut se transformer en dangereux somnifère. Que dit-on en substance aux Français ? " Moins vous travaillerez, plus vite vous partirez en retraite et mieux la collectivité s’en portera ! ". Alors même qu’il serait vital au contraire d’attiser chez les jeunes l’ambition d’entreprendre, la volonté de persévérer et le goût de l’aventure. Quitte à sortir plus souvent de nos frontières, à l’image de nos voisins européens.

Le plan de réduction du temps de travail élaboré par EDF GDF pour aller, une fois de plus, au devant des désirs du gouvernement, est à cet égard exemplaire. Le trois quarts des personnes recrutées se verraient proposer un emploi à temps partiel sur la base de trente-deux heures. Les candidats ayant de plus grandes ambitions sont priés d’aller voir ailleurs... Le personnel en place se voit, lui, offrir des avantages supplémentaires pour prix d’une flexibilité qui est aujourd’hui toute naturelle pour bien des salariés du secteur concurrentiel.

Nous préférons pour notre part un EDF partant à la conquête du marché de Buénos Aires ou un GDF plantant son drapeau en Hongrie. Plutôt que de mettre à grands frais ses salariés " au repos ", l’entreprise tire parti de leur savoir-faire, créé e vrais emplois et investit sur des projets qui peuvent demain être des relais de croissance.

Le gel des effectifs ne peut être un effectif en soi. Sans stratégie ambitieuse de développement, ce n’est qu’un coûteux combat d’arrière garde que sont en train de livrer nos dirigeants.

La monde bouge. Ceux qui se terrent dans la ligne Maginot ne le voient pas. L’explosion des technologies de l’information constitue l’énorme gisement des vrais emploi. Dans les services, il existe encore bien des besoins à assouvir pour qui sait les déceler et innover. La fin de la guerre froide et la mondialisation de l’économie sont en train de mettre pour la première fois dans l’histoire de l’humanité la plus grande partie du globe sur le chemin de la croissance. En a-t-on réellement conscience en France ?

Pour saisir ces opportunités, il ne nous manque que l’ambition !

 

Copyright : Ce texte correspond à très peu de choses près à un édito écrit par Jean-Luc Vandoorne, directeur de la rédaction de l’Usine Nouvelle, dans un numéro de 1996.

 

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