Vieilles
lunes et nouveaux défis
Edito l'Expansion n° 558
Par François Roche
Il est urgent d'en finir avec le débat sur les trente-cinq heures. D'autres questions, beaucoup plus stratégiques pour l'économie française, pointent à l'horizon.
C'est une spécialité bien
française: étouffer la reprise économique avant qu'elle ait pu
s'épanouir, se disputer les fruits de la croissance avant même
d'avoir réussi à les cueillir.
Chaque gouvernement prétend évidemment que le forfait a été
commis par celui qui l'a précédé. Reste que c'est une
fatalité avec laquelle il est impérieux de rompre. Or, si on
les examine froidement, les logiques économiques qui se
déploient dans notre pays ne peuvent qu'engendrer la
perplexité. Depuis des semaines, toutes les énergies sont
mobilisées dans un débat (celui sur la réduction du temps de
travail et les trente-cinq heures) dont tout le monde sent bien
qu'il est mal posé.
L'Etat
"croissancivore"
Les expériences d'abaissement de la durée du travail dans
certaines entreprises démontrent que, par la négociation au cas
par cas, les partenaires sociaux savent aménager eux-mêmes
horaires et organisation du travail. Pourquoi en passer une
nouvelle fois par la loi sur une question où seuls importent la
situation économique réelle de chaque entreprise et son degré
d'exposition à la concurrence internationale? Si l'on part du
principe que c'est d'emplois marchands que la France a besoin, il
serait étonnant qu'on parvienne à les créer sans modération
des coûts salariaux. Imposer une forme de partage de l'emploi si
notre machine économique se montre incapable d'en créer de
nouveaux, ce serait amoindrir notre compétitivité globale, et
donc affaiblir notre potentiel de croissance. Or, ce retour de la
croissance économique, tout le monde l'attend dans notre pays.
Les Français y aspirent à ce point qu'ils le tiennent déjà
pour une quasi-certitude, comme le montre le baromètre
Ipsos-L'Expansion sur le moral des consommateurs européens. Le
rôle d'un Etat moderne consiste à accélérer la croissance,
notamment par la baisse des dépenses publiques, et non à la
confisquer pour maintenir son train de vie. C'est une évidence,
mais elle mériterait d'être plus souvent réaffirmée.
Bercy et le high-tech
C'est la raison pour laquelle il est urgent de sortir de ce
débat sur les trente-cinq heures, et d'en sortir une bonne fois
pour toutes. D'autres questions, beaucoup plus stratégiques pour
le fonctionnement de l'économie française et pour le retour
d'une croissance durable, pointent à l'horizon : la préparation
de la mise en place de l'euro, l'investissement dans les
nouvelles technologies de l'information, le sort des entreprises
publiques du secteur concurrentiel, la simplification
administrative, la création d'entreprises high-tech. A ce
propos, saluons comme il se doit l'initiative de Dominique
Strauss-Kahn, fervent défenseur des technologies : le ministre
de l'Economie va distraire 1 milliard de francs de la
privatisation partielle de France Télécom pour l'affecter à un
fonds de capital-risque. Encore un nouveau métier pour l'Etat,
soupireront certains. Mais celui-là, au moins, est susceptible
de créer de la valeur...
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