Nouvelles lois, nouvelles logiques...
Edito l'Expansion n° 546
Par François Roche

Curieux spectacle que nous offre la France, ces temps-ci. De futurs médecins défilent dans les rues pour enterrer une réforme dont tout le monde pressent bien la nécessité. Le Parti socialiste, qui aspire à gouverner le pays en 1998, fonde son programme économique et social sur 350000 créations d'emplois dans le secteur public. Le débat sur l'"horreur économique" fait passer au second plan celui sur les moyens de relancer la croissance. Le gouvernement tarde encore à se convaincre que la baisse des charges sociales devrait, seule, inspirer sa démarche fiscale. Dans le même temps, par touches successives, il poursuit son offensive contre le système des stock-options. Au point que, dans un grand quotidien du matin, le fondateur de l'une des plus performantes start-ups de haute technologie française, Business Object, se demande s'il ne va pas transférer son siège social en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. En guise de consolation, l'idée, en partie fausse, se répand que, l'Allemagne étant aux prises avec des difficultés économiques et sociales du même ordre que les autres, c'est le problème de l'Europe qui est posé et non celui de la France.

Vieux réflexes
Au fond, les bornes de nos raisonnements économiques et sociaux n'ont guère dépassé les limites de l'Hexagone. Malgré les grands chocs qui se sont produits depuis une dizaine d'années sur la planète Economie, les vieux réflexes sont toujours là. Dans notre inconscient collectif, l'Etat continue de jouer le rôle de "père nourricier". Il doit impulser la croissance économique, susciter les créations d'emplois en se substituant, si besoin est, au secteur privé. Il doit veiller à préserver une sorte d'égalitarisme social par une politique de prélèvements qui ne doit jamais donner l'impression de favoriser les "riches", une catégorie dans laquelle on mêle imprudemment les cadres supérieurs qui vivent de leur travail et les assujettis à l'impôt sur les grandes fortunes. L'aristocratie n'est pas celle des créateurs de richesse, des entrepreneurs, des innovateurs, mais celle des "grands corps" qui confèrent à leurs membres des privilèges exorbitants et sans équivalent dans les autres grandes nations industrielles.

Rénover nos approches
Comment ne pas voir que notre pays est arrivé au bout de cette logique et que cet ensemble de croyances, de dogmes, d'idées reçues et d'emprunts aux vieilles théories économiques n'est plus opérant, qu'il ne permet d'atteindre aucun des défis majeurs que nous avons à relever dans les années qui viennent?
L'accélération du progrès technique et la mondialisation de l'économie nous obligent à rénover nos approches et nos stratégies en matière de création de richesse et d'emplois. De nouvelles logiques économiques sont à l'oeuvre. Elles sont complexes, dictées par les agents économiques eux-mêmes (les marchés financiers, les entreprises, les consommateurs), et ne connaissent plus de frontières.
Mesurés à cette aune, nos débats sont datés, déconnectés de la réalité, obscurcis par des considérations idéologiques d'un autre âge. A force, on en oublierait presque les bonnes nouvelles : la croissance revient, laissons-là entrer...

© Groupe Expansion 1996

Retour revue de presse